


La nuit tombe sur le Grand-Pays. Le Soleil rougeoie encore un peu. Ses
derniers rayons illuminent une plaine immense. Mais cette plaine n'est
pas comme les autres : les derniers arbres debout sont calcinés,
il n'y a plus un seul endroit de verdure. Des cadavres de créatures
étranges jonchent le sol carbonisé.
Au milieu de cette plaine se dresse une énorme forteresse. Sur
les palissades de petites bêtes d'environ un mètre patrouillent.
Elle marchent pour la plupart à quatre pattes mais certaines
sont sur deux et semblent s'en accommoder. Ils tiennent une longue lance
dans une de leurs mains et une épée ou un bouclier dans
l'autre. Ils n'ont pas l'air très intelligent mais teigneux et
pervers. Ce sont des Furets. Ils surveillent un trou assez grand qui
s'enfonce à un kilomètre sous la terre. Cette fosse dégage
une lumière rouge et des cris se font entendre de l'intérieur.
Un des furets s'avance vers le trou, poussé par sa curiosité.
Il est alors poussé par un autre garde posté à
proximité. Il tombe assez vite et son cri s'étouffe petit
à petit pour finir par de taire en s'écrasant au sol.
Cet incident trouble les personnes qui sont à l'intérieur
du trou. Des visages se tournent, des bruits s'arrêtent et l'activité
qui régnait ici s'est tout à coup stoppée. La plupart
des habitants portent de vieilles tuniques et semblent épuisés.
Ils ont tous une pioche ou une masse qui leur sert sûrement à
creuser la pierre qui les entoure.
Un juron se fait soudain entendre accompagné immédiatement
par des coups de fouet et des cris :
" Remettez-vous au travail tas de larves ! Allez, plus vite que
ça ! "
Un monstre hideux de la taille d'un homme s'est avancé vers les
prisonniers, car ce sont des détenus, et les a remis au travail
rapidement. Il se tourne ensuite vers le furet agonisant au sol. Il
prend la dépouille chétive dans ses bras et la jette dans
un four à côté de lui :
" Bienvenue dans les Forges de l'Enfer mon gars "
Et il retourne à ses prisonniers en riant.
Les Forges de l'Enfer sont des mines creusées pendant des décennies
par des prisonniers du Mal. La plupart des esclaves ne survivent pas
plus d'un mois à cause des conditions de travail. Mais certains
peuvent tenir plusieurs années. Ceux-là ont une mine spéciale
étroitement surveillée où les travaux réalisés
sont les plus difficiles. Dans cette mine, un homme de petite taille
discute tout en piochant avec deux créatures étranges
: un homme très bronzé et un autre dont le visage est
calme et serein malgré les coups de fouet des ses gardes. Le
nain, car c'en est un, leur raconte sa capture et les autres écoutent
en continuant à travailler :
" Je venais juste de manger et j'étais en train de me reposer
sur un rocher quand un groupe de Furets m'a attaqué. Je n'ai
même pas eu le temps de dire ouf! que j'étais ligoté
et bâillonné.
J'avais repris des forces grâce à la nourriture. J'ai donc
contracté mes bras et j'ai réussi à briser mes
liens. J'ai pris ma douce hache et elle a sifflé dans l'air.
Trois têtes de ces sales petits vermisseaux sont tombés,
pendant qu'un autre hurlait à mort la perte de son bras. Ma belle
hache que j'ai appelé Elæis, m'a aidé à tous
les massacrer. Je m'en suis donné à cur joie. Malheureusement,
il en arrivait encore et encore. J'en avais sur le dos, sur la tête,
sur les jambes, partout ! Même Elæis n'arrivait plus à
les faire partir. Et pourtant, elle tournait et tournait sans cesse.
J'entendais les cris de douleur des monstres touchés par son
tranchant chaque seconde. Mais décidément, ils étaient
trop nombreux. Ils ont réussi à me prendre ma douce hache.
Cela m'a mit dans une colère digne de Voiron lui-même.
Ils ont eu peur et sont partis. Mais ils sont revenus quelques minutes
après, et ils détenaient toujours Elæis. Ils ont
donc fini par me vaincre.
Mais foi de Benor mon Père, je ne me suis pas laissé faire
! J'ai dû en tuer une bonne centaine !
Lorsque j'ai ouvert les yeux, j'étais dans une cage, comme un
vulgaire bête destiné à la vente, moi Benjiir, fils
de Benor ! Om m'emmenait vers les Forges de l'Enfer, où je suis
maintenant enfermé depuis douze ans. Ils m'ont amené à
cette mine depuis deux ans et demi. Il paraît que c'est là
que l'on met les fortes têtes. En tout cas c'est un honneur de
partager ce four avec vous Messires ?
- Link, fils de Landur
- Aluman, fils de Amusef "
*
* *
Nous
sommes en 7049 après la création du Grand-Pays par Voiron.
Le Grand-Pays est un continent immense peuplé de nombreuses créatures
toutes aussi différentes les unes des autres. Cette terre a connu
bien des malheurs mais elle avait toujours réussi à s'en
sortir. Depuis des centaines d'années, elle vivait en paix et
aucune guerre ne venait troubler sa quiétude. Le Grand-Pays était
prospère.
Mais il y a quelques années un elfe du nom de Sarin a été
tenté par le Mal et est devenu maléfique. Il a ensuite
corrompu plusieurs espèces qui se sont ralliés à
lui. Sarin possède une terre au Sud, la Terre Noire.
Il n'avait encore rien tenté de grave jusqu'à présent,
mais certaines de ses légions s'avançaient de plus en
plus vers le Nord pour capturer, piller et tuer.
C'est lors d'un de ces raids menés par ces légions que
Benjiir s'est fait capturer :
Benjiir est un Nain, et comme tous les Nains, il mesure un mètre
quarante et pèse environ cent soixante kilos. Il est le fils
d'un grand Roi, Benor. C'est un grand guerrier et il n'hésite
pas à se battre. C'est au contraire l'un de ses loisirs préférés.
Son arme de prédilection est une grosse hache à double
tranchant, comme tous les Nains. Elle lui a été forgée
par son Grand-Père, comme le veut la tradition. Une pointe de
vingt centimètres est au bout et un joyau en forme d'ours orne
son manche. Il l'a appelé Elæis, du nom de sa mère.
Benjiir porte l'habit que portent tous les esclaves des Forges de l'Enfer,
une vieille tunique trouée et la sienne porte même une
trace de sang. Elle avait dû appartenir à un esclave un
peu trop résistant
Les Forges de l'Enfer ont été construites par Sarin il
y a bien longtemps. Elles sont immenses et enferment les nombreux prisonniers
qui creusent pour trouver le métal qui sert à fabriquer
les armes de l'armée de Sarin ou fabriquent ces armes .
Benjiir grâce à ses qualités de Nain a été
affecté à la fabrique de métaux. Il travaille toute
la journée dans des conditions terribles : La température
avoisine les mille degrés, et à plus de deux kilomètres
sous la terre, l'air se fait rare. Heureusement, les Nains sont habitués
puisqu'ils font les mêmes travaux pour leur compte. Par contre,
ils ne sont pas habitués à être des esclaves et
Benjiir a failli être exécuté plus d'une fois pour
son caractère insoumis.
Les Nains parlent un dialecte qu'ils sont les seuls à comprendre.
Mais certains, et Benjiir fait partie de ceux là, savent parler
" la langue des Hommes ". Par contre, ils le parlent avec
un accent que certains qualifieraient de " campagnard ".
Les deux personnes à qui il racontait sa capture sont-elles aussi
bizarres :
Link est un Elfe. Les Elfes sont les créatures les plus belles
du monde. Mais elles peuvent aussi être les plus cruelles. Link
a 734 ans, ce qui est plutôt jeune pour un Elfe qui est immortel.
Il est grand et mince et de longs cheveux noirs lui descendent jusqu'aux
épaules. Il a des grands yeux noirs ainsi que de longues mains
qui lui permettent de tirer à l'arc excellemment.
Il a été capturé alors qu'il partait en chasse.
Il a lui aussi été enfermé aux Forges de l'Enfer
et enchaîné à la même mine que Benjiir grâce
à sa résistance et à ses talents de métallurgiste.
Il vaut mieux être son ami car il se jure de vous défendre
jusqu'à la mort. Par contre, être son ennemi vous garantit
un mort brève, car comme tous les Elfes, il tire à l'arc
et lance les javelots loin et sans jamais manquer sa cible.
Nous arrivons enfin au troisième personnage qui n'a que peu parlé
jusqu'à présent. Il s'agit d'Aluman, un Bédouin.
Les Bédouins sont un peuple brave et résistants. Ils vivent
au Sud du Grand-Pays, dans les endroits les plus désertiques
et chauds. Leurs peau est très dure, ce qui leur fournit une
protection contre les flèche. Ils courent plus vite que les elfes,
mais s'essoufflent rapidement. De plus, ils savent sauter à presque
huit mètres. Mais leur proximité de la Terre-Noire vaut
leur perte. En effet, ils se font souvent capturer ou même tuer
par surprise pas les furets, ces petits monstres à la solde de
l'ennemi. Il devient donc très difficile de trouver des bédouins,
à part malheureusement dans les Forges de l'Enfer.
Mais il existe cependant des tribus Bédouines qui se cachent
encore.
Aluman est grand et bronzé. Il porte de nombreuses cicatrices
sur le visage et à sa main gauche manque un doigt. Il était
le chef d'une tribu qui s'est faite massacrer entièrement lors
d'un raid ennemi. Il a vu ses enfants, sa femme, ses cousins, ses amis
et tous ses soldats mourir devant lui. Il a été pris comme
esclave par les furets, avant d'être envoyés dans les Forges
de l'Enfer. Dans ses yeux se lit désespoir et tristesse. Mais
les personnes qui le connaissent savent qu'il n'attend qu'une occasion
pour se venger, et même s'il se domine, en lui-même un grand
combat se dispute : il aimerait se battre et crier se haine, mais son
naturel pacifiste et calme l'en empêche. C'est en fait un esprit
torturé. Il est néanmoins un allié de taille :
un sabre dans sa main est une plaie pour l'ennemi.
*
* *
Benjiir,
Link et Aluman sont donc ensemble depuis peu de temps et viennent de
faire connaissance :
" Eh bien Messire Aluman, vous n'avez pas eu la vie facile, lui
dit Benjiir !
- Non, c'est vrai, et je pense que ma vie va se finir ici. Je regrette
car je n'aurai pas pu venger mes fils.
- Mais non, il ne faut pas dire ça, rétorque Link. Moi
je ne suis pas sûr de mourir du tout, et il se pourrait que je
passe l'éternité ici ! Allons, allons, même si pour
le moment nous ne pouvons pas dire que tout va bien, nous pouvons essayer
de garder notre gaieté et notre bonne humeur !
- Bien parlé Messire Link, ajoute Benjiir. Ces horribles Golbur
vont bientôt sonner la pause. A table ! "
En effet, un cor retentit au loin, aussitôt imité par une
dizaine d'autre. On entend alors les coups de fouets des gardiens qui
dirigent leurs prisonniers vers les cellules taillées dans la
pierre par leurs propres occupants.
Benjiir, Link et Aluman vont dans la même cellule et attendent
leur repas. Ce sont de monstres de la taille d'un homme qui leur apporte
leur plat. Ces monstres sont en fait des Golbur. Ils ont de longs cheveux
gras et sales et à leur ceinture est attachée une épée
ou un glaive. Ils portent quelquefois un collier avec les oreilles ou
les doigts de leurs ennemis.
Leur histoire est sombre : les Golbur étaient des humains qui
ont été corrompus par Sarin et qui sont devenus des monstres.
En effet, Sarin aime faire des expériences sur ses soldats, afin
de les rendre plus fort et plus résistants. Malheureusement,
les expériences ne marchent pas toujours et l'une d'entre elle
a complètement raté : Le chaudron manipulé a explosé
en plein centre des quartiers Golbur. La grande majorité a été
touchée et de longues cicatrices ornent à présent
les visages de chaque individus. De plus, la plupart n'ont qu'un seul
bras. Si les cicatrices ne disparaissent pas, c'est dû au fait
que les Golbur pour renaître se transforment en cocon et ressortent
en pleine forme, mais avec le même visage. Ainsi, les Golbur sont
restés marqués à vie.
" Tenez chiens, dit l'un d'eux aux trois compagnons, voilà
votre pâtée. Mangez bien, vous ne pouvez faire que ça
!
- Non, tu te trompes Golbur ! dit Benjiir
- Ah oui ! Que faites vous d'autre ?
- On fait ça ! Et Benjiir lui fonça dessus et lui donna
un grand coup de tête sur le ventre. Le Golbur recula de plusieurs
mètres. Il lui dit en suffoquant :
- Sale chien, tu paieras ton infamie, lui dit le Golbur en crachant
à terre. Et il ferma la cellule en pestant contre Benjiir
- Tu n'aurait pas dû faire ça, lui dit Link. Maintenant,
il peut faire ce qu'il veut, et tu sais ce que cela signifie ! Il peut
nous tuer, nous torturer, ou pire encore. Prions Tyraël !
- C'est lui qui m'a cherché ! Il n'avait pas à me dire
ça, répondit Benjiir
- Qui est Tyraël ? demanda Aluman.
- Comment, lui dit Link, tu ne connais pas l'Archange Tyraël ?
- Non, chez moi, nos dieux sont nos ancêtres que nous prions chaque
soir
- Bien, je vais t'expliquer :
" Au commencement, Voiron créa le monde, et en particulier
le Grand-Pays. Il créa ensuite les espèces. Les Elfes,
esprit rêveurs et poètes, les Nains, qui travaillèrent
les souterrains, les Géants, qui travaillèrent la Montagne,
et les Hommes qui travaillaient la Terre. Il créa d'autres espèces
encore et il décida de les laisser se débrouiller. Au
bout de mille ans, il vit que les espèces se battaient entre
elles. Il créa alors Tyraël, qui devait remmener la paix
sur le Grand-Pays.
L'Archange invoqua les Esprits, et ils lui donnèrent des idées
: Il devait crées des Maîtres qui dirigeraient les Eléments,
et pour chaque espèce un Roi serait désigné. Il
serait plus fort et plus intelligent que ses sujets. Mais il serait
juste. Son fils lui succéderait et cela jusqu'à l'infini.
Il devait aussi créer des Mages qui les vénéreraient
lui et Voiron, et qui auraient les pouvoirs d'aider les gens et de faire
la justice. L'archange Tyraël fit tout cela et remonta aux Cieux
en attendant. Mille ans plus tard, il descendit, et fut surpris de ne
vois aucune bataille, aucun morts. Il demanda à une vieilles
dame qui lui répondit que c'était grâce aux Maîtres
qui avaient empêchés les éléments de se déchaîner
sur les Humains, et grâce aux Mages qui faisaient la justice.
Il remonta alors aux cieux et fit son rapport à Voiron. Celui-ci
fut content de Tyraël, et lui donna la vie éternelle "
Voilà, c'est l'histoire qui est enseigné aux jeunes intéressés.
- Eh ben, tu en connais un bout sur la religion, lui dit Benjiir
- En effet, j'adore ça ! Je connais toute la Koira, qui est notre
livre sacré, dit t'il à Aluman.
- En attendant, ce n'était pas bien ce que vous avez fait au
Golbur, dit Aluman à Benjiir, craignez le lendemain Messire Benjiir
!
- Ah oui ?! Regardes ! "
Il trouva un morceau de bois fin et assez long, qui avait la forme d'une
baguette. Il prit ensuite un petit silex qu'il avait trouvé par
terre et planta la face plate dans la baguette.
Ceci fait, la baguette était devenu une flèche grossière.
Il s'approcha de la grille et lança le flèche sur le Golbur
qui l'avait insulté. Elle atteignit le mollet du monstre, et
celui-ci s'écroula en hurlant.
" Mais tu es fou, lui dit Aluman, ils vont nous repérer
!
- Mais non, lui répondit Benjiir. Sarin pense qu'un soldat blessé
ne sert plus à rien. Celui-ci va donc se faire dévorer
par un troll affamé pour divertir les Borim . Il paraît
que c'est très drôle !
- Un Borim ? demanda Link
- A mon tour de t'enseigner quelque chose, dit Aluman. Malheureusement,
c'est beaucoup moins gai : Les Borim sont des monstres qui se cachent
sous des grands vêtements noirs. Personne n'a jamais vu leur visage
et personne ne le souhaite ! On dit que leur visage est rongé
par le Mal. Ils parlent entre eux par de longs hurlements lugubres.
Mais ils savent aussi parler aux autres espèces. Ils chuchotent
alors, et ce chuchotement te fait trembler et hante tes rêves
toute ta vie. Ils montent des chevaux noirs qui ont été
martyrisés toute leur jeunesse. Ils portent donc de grosses cicatrices
et sont devenus si sauvages que seuls les Borim arrivent à les
monter.
- Mais c'est le portrait du Diable que tu me montres là, dit
Link en riant. Mais lorsqu'il vit que Benjiir tremblait et que Aluman
s'était tourné vers la grotte, il comprit qu'il ne riaient
pas.
- Tu n'en avais jamais entendu parler auparavant ?demanda Benjiir
- Non, mais maintenant, j'ai aussi peur que vous. Brrr, ça me
fait froid dans le dos
- Bon, allez, je vous demanderai de partager votre écuelle avec
moi, car j'ai tué un garde, mais j'ai gaspillé de la nourriture,
et comme on dit chez nous, " Qui perd un uf s'en rappelle
toute sa vie ", alors partageons. Ensuite, je vous souhaiterai
bonne nuit.
Et ils mangèrent en silence pendant que le Golbur se faisait
dévorer par un troll dans la salle des Borim, ces derniers hurlant.
De rire ? personne ne pouvait le savoir !
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et Benjamin Lavigne 2002